Sarah nous raconte son confinement. Brin d’humour, réalité sans tabous, tracas et joies du quotidien rythment ses billets.
Écrit le lundi 30 mars 2020.
Salut à toi l’enfant qui d’une caresse sur le visage, réveille doucement maman.
Salut à toi mon meilleur ami dont j’apprécie le parfum et le goût caféiné.
Salut à toi petit rayon de soleil, mal réveillé, que j’embrasse tendrement.
Salut à toi Mr le balcon, il souffle fort le vent, ce n’est pas grave, je suis déjà decoiffée.
C’est lundi. Le jour où je rends visite à ma mère de loin, pour lui mener ce dont elle a besoin.
Je vais pour démarrer la voiture. Plus de batterie. Un coup de pinces et elle repart.
Dans le poste, à la radio, Ophélie Winter:
« Dieu m’a donné la foi,
Un petit je ne sais quoi
J’ai dans le cœur cette force qui guide mes pas ».
Je ris à plein poumons, la clope au bec.
Je revois ma grande sœur la chanter en boucle dans le salon de notre enfance.
Mon amie Perrine, devant le miroir de sa chambre, pendant cette période ingrate qu’est l’adolescence…
Et plus récemment, mon amie Sophie et moi, dans sa voiture, chantant cette chanson à tue-tête !
Il n’y a presque personne dans les rayons du supermarché.
Mais on fait quand même attention, et on respecte la distance de sécurité.
J’ai rendez-vous sur le parking avec ma sœur qui va me filer le traitement de ma mère.
Joie dans mon cœur de la voir, on prend 5 minutes pour échanger des banalités.
On est interrompu par un Monsieur qui me demande si je parle Anglais.
« A little bit, Mister ».
Il est Libyen, et n’a plus d’argent pour manger.
Il me demande si je peux lui donner quelque chose, ce que je peux.
Je ne lui répond pas « yes » , mais « si espera » . Pfff mon cerveau s’est mit en mode espagnol !
Je rigole. Lui aussi. « Yes wait ! «
Je lui donne 4 compotes, des brioches, une brique de lait, de jus de pomme et ma sœur un sac cabas pour transporter le tout.
Il nous remercie du fond du cœur: « Thanks mama ».
Allez le temps file maman m’attends, j’y vais.
J’arrive à la résidence. Le concierge est là au portail . Et maman plus loin à la porte du bâtiment.
Elle me fait des grands signes. Je lui cris: « ça fait plaisir de te voir ! »
Merde mes yeux se remplissent d’eau salée.
Le concierge se veut rassurant . On parle un petit moment.
Ma mère jardine beaucoup avec lui. Il lui a donné des pensées.
Quand tout sera fini, ils vont inviter la famille des résidents et » on fera une belle fiesta ».
Je le remercie pour tout ce qu’il fait pour ma mère.
Elle me rappelle. « Avance toi et descends un peu la rue, à travers les haies, tu me verras sur mon balcon. »
Je m’exécute. Je la vois. On discute. On rigole. Merde j’ai oublié mon frein à main, voilà ma voiture qui avance ! Elle explose de rire !
Je lui dis :
« Tu connais Pierre Richard, la chèvre c’est moi ». Elle rit encore plus. Évidemment elle connaît cette référence. Elle adore ce film.
Elle me répond : » Au moins ça t’a fait courir, ça t’a fait ton sport, d’ailleurs on a jamais vu autant de sportifs depuis le confinement »
Elle me demande des nouvelles de tout le monde.
On lui manque. Elle voudrait tant me serrer dans ses bras. Et ces petits aussi. Elle pleure. Moi aussi. » Allez maman, se sera bientôt fini « .
Les larmes se transforment en colère.
» C’est pas vrai ma fille ! Ils nous prennent pour des cons, des incapables ! 15 jours par ci, 15 jours par là, ça va finir comme en Italie leurs conneries !! ».
« Maman, je sais bien, c’est long, on fera pareil la semaine prochaine d’accord ? ».
Un oui et un je t’aime tremblotant, toutes deux nous nous laissons partir.
Merde j’ai oublié de lui prendre des mouchoirs.
Je rentre enfin retrouver les miens.
Je fais un thé à la menthe histoire de me réchauffer le cœur et les mains.
On se met aux exercices du jour.
Loulou est K.O. C’est l’heure pour elle d’aller se reposer.
Je check mon espace Pôle emploi. Ça y est, il a l’air de fonctionner.
J’ai basculé en ASS. Je devais toucher 100 euros de moins que le mois dernier.
Mais là, d’après le virement à venir c’est 200 euros de moins… Pas ce que j’avais prévu.
Je vais attendre mon relevé avant de les appeler.
Ce n’est pas rien dans mon budget, 100 euros, c’est une semaine de courses pour ma tribu.
J’ai écouté Raje aussi aujourd’hui.
Aux micros, Alex et le chanteur de Mecavolic.
Ça m’a rappelé mon dernier week-end de liberté. Ce fameux vendredi 13 mars au Django.
On en était à l’interdiction de rassemblement de 100 personnes.
Famille, ami.e.s, FéMAG et Culottées, nous étions toute.s rassemblé.e.s .
On ne voulait pas encore sentir que ça allait tourner au vinaigre.
On ne voulait pas se laisser envahir par la peur.
On s’appelait en rigolant les résistants.
Jusqu’à l’annonce officielle de la fin de notre liberté, on voulait sortir, boire, jouer s’embrasser, chanter et rire.
Le milieu de la culture, lui aussi prend cher…
La culture c’est ce qui fait lien, et du bien.
La culture fait vibrer, et rêver.
Elle rassemble, elle pète les barrières.
Derrière, c’est des milliers d’emplois, d’intermittent.e.s et d’artistes.
Derrière Culture, bien souvent se cache ses sœurs et frères « éducation », « lien-social », « média locaux « , « arts » et « musiques ».
Faudra la soutenir plus que jamais, lui rendre ce qu’elle nous donne en ces temps suspendus.
Les prémices des sombres heures qui nous attendent après le confinement, annoncent qu’on aura besoin de ses lumières…
Sur ces mots, je vais ouvrir l’ « Étincelle ». C’est du rosé, made in Gard, avec sur l’étiquette un éléphant dessiné.
Je ne sais pas si son goût fera frétiller mes papilles, mais son nom me plaît.
Un peu, beaucoup, énormément d’amour sur vous.
Je vous embrasse.