Sarah nous raconte son confinement. Brin d’humour, réalité sans tabous, tracas et joies du quotidien rythment ses billets.
Écrit le lundi 23 mars 2020.
J’ai le cerveau embrumé, la voix enrouée, le nez complètement bouché, les yeux embués.
Je vais devoir redoubler d’imagination pour survivre à cette journée.
Commençons par le début, un grand café.
Je check mes mails pour les devoirs du jour.
Encore en pyjama, je prépare les activités.
« Doucement les filles chacune votre tour. »
Je n’ai que deux mains, deux yeux, pitiééé !
*
Au programme : colombins pour former des quatre, alphabet, graphismes et comptine pour l’une.
Pour l’autre, antonymes, lecture, comptage de monnaies et soustraction en ligne.
On finit en beauté par un parcours de motricité à l’aide de chaises, de gobelets et de roulades sur le canapé.
» Maman ça fait du bien de se défouler, ça détend ! »
*
Mon téléphone a décidé lui aussi de se mettre en service minimum.
Désolé à toutes les personnes qui m’ont appelé, j’ai fait mon maximum…
Il vibre, je l’attrape pour décrocher, et bye bye, pouf, il s’éteint.
Ce dernier a décidé de me couper de tout lien avec d’autres humains
Le point positif ? J’aurai moins accès aux nouvelles qui font monter mon anxiété.
Je décide d’écouter Raje. Ça fait du bien d’entendre des voix familières.
Ça repose mon esprit, mes oreilles et apaise ma colère.
Ça fait 8 jours (pour moi) que tout s’est stoppé.
8 jours que ce virus m’a coupé l’herbe sous le pied.
J’allais enfin récolter tout ce que j’avais semé.
Après des mois de formation et le diplôme en poche, j’allais enfin pouvoir travailler…
Plus que ça même, faire le métier que j’aime, animer, transmettre, et créer du lien entre les gens.
Mais voilà, l’ingérence de cette pandémie en a décidé autrement.
Je ne suis pas faite pour être mère au foyer et rester à la maison.
Je m’y sens enfermée. Coincée dans cette condition.
Selon notre société, juste parce que j’ai mis au monde des enfants, je devrais être comblée.
Je me prends à pleine figure toutes les inégalités liées au fait que je sois une meuf, et fille d’un défunt ouvrier (et immigré) …
*
Bon allez… Dans ce monde de brutes, un peu de douceur.
Avec les filles, on a fait un gâteau au chocolat.
Marlée a léché tout le plat avec ses doigts.
J’ai gardé de côté deux parts pour tonton et tata d’en bas, eux aussi ont besoin d’antidépresseurs.
Papa, lui aussi est en bas, il remonte un PBR. C’est une petit moto. Elle démarre. Il est tout fier.
*
Puis on a fabriqué un parcours avec des « Kapla de lidl » pour y faire rouler des cylindres en bois.
Ça a permis de remédier à l’incident diplomatique !!
Oui, parce quelques minutes auparavant , un conflit sans précédent éclatait .
Chaque camp criait » moi d’abord », » tu m’énerves », » j’te déteste « , « laisse moi tranquille, » t’es la plus méchante des sœurs !!! »
Loulou se retranchait sur le balcon.
Marlée claquait les portes, pour s’enfermer dedans.
Loulou lançait déter’ des bombes du style: « gnagna », « nanananèreeee ».
Ce qui a eu le don de faire exploser Marlée en un rien de temps …
La situation devenait vraiment critique !
Tout ça à cause du jeu de l’élastique.
L’armistice s’est signé officiellement devant le gâteau au chocolat, nappé de crème anglaise.
Ce dernier aura eu le mérite de sauver mon moral et ma journée…
*
Écrit par Sarah Lahouari
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